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Autopsie d’un roman 2.0

L’éclosion évidente de maisons d’édition qui publieront du contenu littéraire inédit directement en format numérique devrait inspirer, pour ne pas dire inciter, les éditeurs à repenser leur façon de communiquer autour de la sortie du livre. C’est là que les choses se corsent. Comment communiquer, comment faire la promotion d’un auteur et d’une histoire directement publiés au format numérique sans passer par la case papier? Autopsie d’un roman 2.0 ou, pour être plus précis, d’une communication autour de la sortie d’un roman 2.0.

L’expérience toute récente de la publication, dans un premier temps, du Roman d’Arnaud sur Facebook sous forme de quotidienne pendant 40 jours, puis, dans un deuxième temps, sous forme d’épisode en format numérique par l’éditeur Leezam, incite à nous poser des questions sur la communication autour d’un livre numérique, qui plus est, un livre dont le ou les auteurs sont tout aussi inconnus que le contenu littéraire.

Déjà, et ce n’est pas nouveau, les éditeurs dit « traditionnels » ont toutes les difficultés du monde à promouvoir les nouveaux talents. Les médias conventionnels, grands publics, font peu de cas de la relève littéraire même s’ils essayent de nous faire croire le contraire. On se rend bien compte de leur timidité à mettre en avant des auteurs inconnus. Les journalistes sont hyper sollicités, reçoivent des tonnes de nouveautés par mois, et dans un souci de capter et de garder l’attention de leur lectorat, se contenteront de parler des valeurs sûres : les Dan Brown, Marc Lévy, Anna Galvada et autres sont assurés d’avoir la bonne couverture média à coup sûr. Déjà très sollicités par les éditeurs établis, de plus ou moins grande renommée, on peut légitimement se demander comment les journalistes vont faire pour s’intéresser à la création littéraire numérique, quand vont-ils en parler, et comment vont-ils en parler. Généralement, la communication autour du livre papier se fait a posteriori, une fois que le livre est imprimé: on rédige un communiqué de presse en essayant de trouver l’angle le plus accrocheur, on présente l’auteur, on envoie un communiqué de presse accompagné de l’ouvrage. Bien sûr, on n’a pas le choix de limiter les envois, question de coûts. Si l’éditeur n’a pas les ressources pour faire ses communications à l’interne, il va prendre les services d’une attachée de presse qui, quelques jours après, va faire une ou deux relances téléphoniques. Et les choses s’arrêtent là. Il y a les fameuses séances de dédicaces, dans un salon du livre, par exemple. Là encore, quelles sont les chances pour un jeune auteur de rivaliser, sur un même stand, avec des auteurs vedettes qui vont accaparer les foules? Elles sont très minces.

Les médias techno ne s’intéressent qu’au contenant

Le réflexe évident, pour les éditeurs « numériques », c’est de se tourner vers les médias moins conventionnels, ceux qui s’adressent en priorité à un public plus technophile, à l’image du support qu’ils utilisent pour faire la promotion de la lecture. Mais la plupart des médias techno ne s’intéressent qu’au fonctionnement d’une application de lecture pour téléphones intelligents comme le iPhone par exemple et rarement, pour ne pas dire jamais, à son contenu littéraire et encore moins à l’auteur. Et l’on voit bien que la tendance de la nouvelle génération d’éditeurs qui publient directement en numérique lorsqu’il s’agit de communiquer cherchent avant toute chose à faire valider et à faire reconnaître l’interface de leur application par rapport à l’application concurrente dans le but d’enregistrer le plus grand nombre de téléchargements et d’occuper les meilleures place dans le sacro-saint classement de l’App Store. Mais rien sur le contenu. Et il faut bien admettre que les accros de produits et d’applications techno ne sont pas automatiquement des accros de littérature.

La communication 2.0

Malgré toute l’effervescence autour du livre numérique, l’édition numérique cherche encore ses modèles: modèles pour publier (recherche de l’application de lecture parfaite), modèles pour distribuer sur un maximum de supports électroniques à partir de plateformes de téléchargement sûres, modèles pour communiquer. Cela fait beaucoup de modèles à trouver, sans oublier le fait qu’il faut rendre le tout viable économiquement.

Les concepteurs du Roman d’Arnaud ont pensé la communication en même temps qu’ils concevaient le roman, c’est peut-être là une des solutions: aller chercher le lecteur là où on a le plus de chance de le trouver, autrement dit devant un écran d’ordinateur. Les trois auteurs, expérimentés mais inconnus du public, savaient qu’ils partaient avec un sérieux handicap. Ils avaient une histoire solide entre les mains, une intrigue mélangeant le fantastique, le conte philosophique et la romance, avec en toile de fond une réflexion sur le livre et le goût de la lecture. Impliqués dans les médias sociaux, les concepteurs et auteurs du Roman d’Arnaud ont d’abord cherché à s’assurer de démarrer l’expérience de lecture numérique baptisée roman 2.0 avec un minimum de lecteurs en utilisant toutes les ressources du Web 2.0 et la philosophie des réseaux sociaux : l’échange et le partage. A coup de bandes annonces vidéo sur des sites comme Youtube, des posts relatant l’expérience sur leurs blogs respectifs relayés sur twitter, d’extraits sur le lecteur numérique Calaméo,  le Roman d’Arnaud a réussi à faire participer et à fidéliser plus de 300 fans sur Facebook. Plus de 300 fans qui ont suivi pendant 40 jours – tout en ayant la possibilité de la commenter – l’écriture du Roman d’Arnaud. Parallèlement, l’éditeur Leezam mettait la machine en marche pour que le Roman d’Arnaud soit publié sous forme d’épisodes (9 au total) payants sur iPhone avec, pour susciter la curiosité des lecteurs potentiels, le téléchargement gratuit du prologue. Enfin, à l’issue des 40 jours, le Roman d’Arnaud continue non seulement à fédérer ses fans, mais à recruter de futurs nouveaux lecteurs avec la mise en ligne d’un site Internet entièrement consacré au roman.

Est-ce que l’expérience de communication 2.0 autour du Roman d’Arnaud est le modèle par excellence, celui qui préfigure ce que sera ou ce que devrait être la communication de demain autour du livre, qu’il soit numérique ou papier? C’est un modèle qui, s’il n’est pas parfait, nous incite à réfléchir sur une nouvelle façon de faire. Il a, au moins, le mérite d’avoir été testé grandeur nature et d’avoir permis d’atteindre des résultats facilement quantifiables. Car un des autres aspects de la communication 2.0 lorsque les outils sont bien maîtrisés, c’est que l’on peut facilement mesurer les retombées de chacune des actions posées sur un blog, un site de réseau social ou encore un site Internet dédié.

  1. jeanlou bourgeon
    23 décembre 2009 à 12:54

    Bravo pour cette aventure mais :

    1 – vous êtes des pionniers et c’est déjà un grave handicap (pour exemple, les 2 Belges du Mondaneum, à lire éventuellement sur : http://bit.ly/5zfUOc) ;

    2- tu as raison, Jeff, les sites relaient surtout la couche techno, pas le contenu ; mais là encore, les choses vont bouger ;

    3 – la communauté des fans sera un bon vecteur de com mais aussi les blogueurs (version web’acteur).

    Quoiqu’il en soit, fallait oser, fallait y aller.

    Pari gagné, servi de surcroît par un environnement visuel de tout premier ordre.

    La vente sur l’AppStore peut réserver de bonnes surprises (coût très abordable).

    Les médias classiques : bof, y pigent que dalle à tout ça, complètement has been et même quand ils s’y intéressent, sortent des énormités vertigineuses, du genre Google a commencé à numériser en 1994 (en vérité en 2004). Totalement ignares et convaincus de détenir la vérité (désolé, pas de V capitale…).

    Tout est à inventer, à imaginer. Comptez d’abord sur vous, quelques signatures dans les salons et initier les libraires vers les lectures publiques… des pistes pas trop novatrices mais dans la package de base, à mon sens.

    Nous pourrons participer à l’aventure, notre projet que tu connais mûrit, se bonifie. Rendez-vous possible dans vos terre dans le timing prévu…

    Merci d’avoir écrit le Roman d’Arnaud !

  2. 23 décembre 2009 à 11:34

    Merci Numerikbook pour cet article 😉

    Leezam est très fiere d’être l’éditeur du roman d’Arnaud. En tant que responsable du web Marketing chez Leezam, je suis entièrement d’accord avec l’analyse présentée dans ce billet. Leezam est une maison d’édition 100% numérique et n’envisage pas de faire de la promotion des oeuvres qu’elle publie sans passer par les outils 2.0. A ce titre, nous exploitons pour le moment Twitter, Facebook et animons également notre propre blog. L’équipe réfléchit par ailleurs aux nouvelles possibilités d’interaction 2.0 entre les lecteurs, les oeuvres littéraires et les auteurs… si les lecteurs de Numerikbook ont des idées, qu’ils n’hésitent pas à les partager !

    Joyeuses fêtes à Numerikbook

    Gwendal, pour Leezam

  3. 27 décembre 2009 à 9:35

    Très intéressant. Même pour moi qui suis un vieux de la vieille attaché à son livre papier comme la misère sur le pauvre monde.
    Ce que vous proposez est, à minima , une alternative au modèle sclérosé de l’édition papier, et plus probablement l’avenir de l’édition tout court.

    salutations

    • numerikbook
      27 décembre 2009 à 9:41

      Merci Philippe et nous sommes bien heureux que vous soyez attaché aux livres papiers, parce que cela veut aussi et surtout dire que vous êtes attachés à la lecture et à l’écriture. Pour autant, le numérique est alternative comme vous le dîtes si bien et surtout une autre façon de promouvoir, de découvrir de nouveaux talents et de nouvelles formes de lectures. Pourquoi devrions-nous nous priver de cette belle opportunité?

  4. 27 décembre 2009 à 9:53

    Ah ben ça fait plaisir, on se bat pour essayer de faire comprendre au plus grand nombre ce qu’est l’édition 2.0 et, enfin, un acquis à la cause (ou du moins qui comprend ce que pourtant on répète à longueur de posts et de blogs…).

    Le numérique n’est pas le grand méchant loup, mais s’il n’est pas le diable (i.e. il ne va pas tuer le papier) il doit nécessairement passer entre-temps sous la nécessaire réforme de la convention de Berne, sans quoi les auteurs seront une race disparue.

    Le papier n’est pas sclérosé, il y a encore de beaux jours devant lui mais il doit apprendre à cohabiter avec les octets. Dans un premier temps !

  5. 31 décembre 2009 à 4:46

    Tres interessant, merci!

  6. 12 janvier 2010 à 2:06

    excellent article merci !

  1. 21 février 2010 à 3:26

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